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AVOCAT FISCALISTE ARNAUD SOTON

Actualité du droit fiscal, par Arnaud SOTON, avocat fiscaliste et professeur de droit fiscal.

 Le règlement des litiges fiscaux (I)

Il existe plusieurs mécanismes permettant de régler les litiges nés entre l’administration fiscale et les contribuables. Certains dispositifs sont mis en place pour un règlement non contentieux  des litiges (la transaction, la conciliation, la médiation, ou encore les remises gracieuses), et d’autres pour le règlement contentieux, étant entendu que le contentieux peut être non juridictionnel (la réclamation préalable) ou juridictionnel (la procédure devant le juge de l’impôt).

1. La transaction

Un véritable contrat

L’administration fiscale a la possibilité, dans le cadre d'une transaction, d'accorder une atténuation des pénalités appliquées. La transaction en droit fiscal est emprunté du droit civil. L’article 2044 du code civil dispose en effet que la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. La transaction, mode de règlement amiable du litige fiscal est donc un véritable contrat conclu entre l’administration fiscale et le contribuable qui doit de l’argent au fisc. La transaction implique des concessions réciproques constatées dans un contrat écrit. On connaît bien l’article 1103 du code civil selon lequel les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. La transaction engagent donc pleinement les parties. C’est ainsi par exemple que le juge a refusé à l’administration fiscale la possibilité de réclamer au contribuable des pénalités, une fois la transaction signée par les deux parties, alors même que six mois après la signature de la transaction, l’administration s’était rendue compte qu’elle a commis une erreur matérielle en indiquant dans la transaction un montant de pénalités mille fois inférieur à celui qui figurait dans la proposition initiale (CE, Sect. 28/09/1983, n°11513, Sté établissements Prévost, Rec. p.376).

De même, la conclusion d'une transaction avec l'administration fiscale par laquelle le contribuable donne son accord aux rehaussements de base notifiés, met fin à la procédure contradictoire sans que celle-ci puisse être rouverte par le défaut d'exécution de la transaction par le fait du contribuable (Conseil d'État, 9ème - 10ème chambres réunies, 12/07/2023, 463709, Sté New Asia, Dr fisc. 2023). Dans cette affaire, (il faut d’ailleurs observer le terme de  « contrat de transaction » utilisé par le Conseil d’Etat), la société New Asia a conclu avec l'administration fiscale une transaction, prévoyant une réduction des pénalités mises à sa charge et moyennant, d'une part, le règlement  de sa dette fiscale restante selon des modalités fixées en accord avec le comptable public, d'autre part, le nantissement de son fonds de commerce et enfin le renoncement à engager toute action contentieuse concernant l'imposition en litige. Par la suite, la société a cessé d'effectuer les règlements de sa dette fiscale puis a présenté une réclamation contentieuse et n'a qu'ultérieurement communiqué à l'administration fiscale la preuve de l'inscription du nantissement au registre du greffe du tribunal de commerce. Pour les juges du fond et le Conseil d’Etat,  le défaut d'exécution de la transaction était le seul fait de la société New Asia, tenant à l'introduction de sa réclamation contentieuse, et l'administration fiscale, qui avait constaté pour ce motif la caducité de la transaction n'était pas tenue de rouvrir la procédure contradictoire ni de faire droit à la demande d'entretien avec l'interlocuteur départemental adressée  antérieurement à la conclusion de la transaction.

Une transaction n’a de portée que pour les pénalités qui sont expressément mentionnées dans l’acte transactionnel (CE 24/03/2006, req.257533, SARL Le Cœur Samba, Dr. Fisc.2006, 39, comm.625, concl. Vallée). Sur le plan fiscal, c’est le 3° de l’article L 247 du Livre des procédures fiscales (LPF) qui prévoit que l'administration peut accorder, sur la demande, par voie de transaction, une atténuation d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent ne sont pas définitives. Il ressort de ces dispositions que la transaction ne porte que sur les pénalités et non sur les droits.

Un contrat portant sur les seules pénalités et non sur les droits

La transaction signée entre l’administration fiscale et le contribuable pour régler un litige ne peut porter sur le principal de l’impôt. Elle ne peut, en effet, porter que sur les pénalités, c’est-à-dire les majorations, les amendes et les intérêts de retard. En général, c’est le contribuable qui prend l’initiative de demander la conclusion d’une transaction. Mais l’administration peut, elle-aussi, prendre cette initiative. Il arrive même, quoi que cela soit peu fréquent, que le vérificateur  qui a procédé à la vérification prenne l'initiative dès le stade de la proposition de rectification de  suggérer une transaction. Pour certains auteurs, la transaction est proposée par l’administration fiscale dans les dossiers qui présentent un enjeux financier important ou stratégique (Maurice COZIAN, Florence DEBOISSY, Martial CHADEFAUX, Précis de fiscalité des entreprises, 2024-2025, 48e édition, n° 2874 p.1053).

Dans tous les cas, du côté de l’administration fiscale, on s’engage à faire une remise totale ou partielle des pénalités, et le contribuable, de son côté, s’engage à payer les droits, et le solde éventuel qui serait resté à sa charge, et en prenant aussi l’engagement de renoncer à toute procédure contentieuse liée aux pénalités ayant fait l’objet de la transaction.

La transaction est donc une convention entre l'administration et le contribuable, portant atténuation de pénalités, lorsque ces pénalités  ne sont pas définitives, c'est-à-dire lorsque le contribuable dispose encore du moyen de les contester suivant la procédure contentieuse.

En signant une transaction, le contribuable renonce à engager ensuite une procédure contentieuse pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l’objet de la transaction. En effet, aux termes de l’article L 251 du LPF, lorsqu'une transaction est devenue définitive après accomplissement des obligations qu'elle prévoit et approbation de l'autorité compétente, aucune procédure contentieuse ne peut plus être engagée ou reprise pour remettre en cause les pénalités qui ont fait l'objet de la transaction ou les droits eux-mêmes. Le contribuable doit donc renoncer expressément à tout recours contentieux relatif à ces pénalités. Il doit par ailleurs, s’engager à régler l'intégralité des impôts concernés et des pénalités restées à sa charge dans des délais souvent courts.

Lorsque l’administration accepte le principe d’une transaction, elle notifie la proposition au contribuable, en mentionnant les montants convenus, sachant que la transaction doit garantir le respect de la hiérarchie des sanctions. Autrement dit, l’atténuation accordée par l’administration fiscale ne doit pas placer le contribuable de mauvaise foi dans une situation plus favorable que celle d’un contribuable de bonne foi. C’est ce qui ressort de l’article L 247-0 A du LPF qui dispose que la détermination du montant de l'atténuation fixée en application du 3° de l'article L 247 garantit le respect de la hiérarchie des sanctions. Par exemple, en cas de manquement délibéré, le contribuable ne doit pas être finalement moins sévèrement sanctionné qu'en l'absence de manquement délibéré.

Lorsque l'administration fiscale n'a pas statué sur une demande gracieuse dans le délai de deux mois, elle est réputée avoir rejeté celle-ci, lequel délai est porté à quatre mois en cas de demande de transaction ou de demande en remise particulièrement complexe. Le contribuable dispose de trente jours pour donner son accord ou refuser la proposition.

L’administration fiscale peut ne pas faire droit à une demande de transaction. En effet, il peut arriver que l’administration refuse de faire une proposition de transaction à un contribuable qui l’aurait sollicitée. Le contribuable peut alors contester la position de l’administration devant le juge, en formant un recours pour excès de pouvoir. Il faut noter par ailleurs que le dernier al. de l’article L 247 du LPF indique que l'administration ne peut transiger lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle. La conclusion d'une transaction n'est donc pas possible lorsque le contribuable met en œuvre des manœuvres dilatoires visant à nuire au bon déroulement du contrôle fiscal. La transaction est exclue dans ces circonstances. C’est le cas par exemple en matière d’opposition à contrôle fiscal, c’est-à-dire lorsque le vérificateur est empêché d'accomplir sa mission, soit du fait du contribuable, soit du fait de tiers.

Si le contribuable a la possibilité d’exercer un recours pour excès de pouvoir devant le juge lorsque l’administration lui refuse une transaction qu’il a sollicitée, il ne peut, en revanche, intenter une telle action contre une proposition de transaction que lui aurait faite l’administration fiscale et qu’il aurait jugé trop peu généreuse (CE, 04/03/2009, n°295.288, Sté Réseau Publics et Services).

En réalité, l’administration fiscale tient compte de certains éléments pour apprécier l’opportunité de signer une transaction avec le contribuable. Au rang de ces éléments, on peut citer notamment le comportement du contribuable (son respect ou non de ses obligations déclaratives par exemple, son attitude durant le contrôle fiscal etc.), l’importance de l’impôt fraudé ou dissimulés, l’étendue de sa responsabilité, sa bonne foi, l'ancienneté de la fraude, ses antécédents contentieux, ses facultés de paiement et éventuellement ses charges de famille ainsi que les difficultés économiques qu'il rencontre.

Les difficultés financières à l'origine de la demande de remise ou de modération ne doivent pas être imputables à l'organisation volontaire par le contribuable de son insolvabilité (CE 31-7-2009 n° 298973 : RJF 12/09 n° 1165). Cependant le choix du contribuable de rembourser prioritairement des dettes autres que sa dette fiscale ne caractérise pas une telle organisation (Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 07/03/2019, 419907, RJF 6/19 n° 578).

Aux termes de l’article L 251 du LPF, dans le cas où le contribuable refuse la transaction qui lui a été proposée par l'administration et porte ultérieurement le litige devant le tribunal compétent, celui-ci fixe le taux des majorations ou pénalités en même temps que la base de l'impôt. Le contribuable reste donc toujours libre pour ne pas appliquer une transaction qui lui semblerait, après coup, désavantageuse. Si le contribuable ne respecte pas son engagement, la transaction devient caduque.

En pratique, lorsque les rectifications qui sont assorties de pénalités résultent d’un contrôle fiscal, la demande de remise de pénalités est adressée au service vérificateur. C’est toujours mieux de discuter, au préalable, avec le comptable public chargé du recouvrement de cette initiative de demande de remise de pénalités avant d’adresser la demande au service vérificateur, et il faut prendre soin de mettre le comptable public en copie de la demande envoyée au service vérificateur. Si après analyse de l'ensemble du compte fiscal d’une société par exemple, le service vérificateur dit qu’il ne lui est pas possible de recevoir favorablement une demande de remise transactionnelle, il peut toutefois, indiquer qu’il est disposé à accorder à la société  la plus large remise des majorations dès lors que l'entier principal aura été apuré auprès du Service des Impôts des Entreprises. Lorsque la totalité des droits sont payés, une remise de majoration est toujours possible.

Dans tous les cas et sauf lorsqu’il s’agit de rectifications qui ne souffrent d’aucun reproche, il est toujours conseillé de s’organiser de façon à pouvoir conserver la faculté de déposer un recours contentieux en vue de contester certains droits qui peuvent être injustifiés, tout en bénéficiant du sursis de paiement.

Un contrat ne pouvant concerner certains impôts et taxes

Selon les dispositions de l’article L 247 du LPF, aucune autorité publique ne peut accorder de remise totale ou partielle de droits d'enregistrement, d'impôt sur la fortune immobilière, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre, de taxes sur le chiffre d'affaires, de contributions indirectes et de taxes assimilées à ces droits, taxes et contributions. Ainsi, aucune remise de droits d'enregistrement, d’IFI, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre et de TVA  ne peut, en principe, être accordée. Par dérogation, l'administration peut accorder une remise totale ou partielle des rappels de TVA, résultant de la caractérisation d'un établissement stable en France d'une entreprise étrangère, sous réserve que le montant de la TVA rappelé ait été acquitté au titre des mêmes opérations par le preneur des biens et services fournis et n'ait pas été contesté par celui-ci dans le délai imparti pour l'introduction d'un recours contentieux.

2. La conciliation

Les compétences du conciliateur fiscal départemental

Le conciliateur fiscal départemental est un agent de la direction générale des finances publiques. Il y a un conciliateur fiscal au sein de chaque département.  C’est un agent des impôts, de grande plus élevé. Sa saisine ne peut intervenir qu’après que le contribuable a déjà fait une première démarche sans succès auprès du service compétent. Les contribuables qui ne sont pas satisfaits de la réponse donnée par l’administration à leur demande peuvent donc saisir le conciliateur fiscal départemental. Ce dernier n'intervient pas au cours de la procédure d'imposition, mais postérieurement, dans le but de trouver une solution de conciliation. La plupart du temps, il est saisi à la suite d’une décision de rejet prise par l’administration fiscale, dans le cadre, par exemple, d’une réclamation contentieuse déposée par le contribuable.

En effet, dans une décision de rejet d’une réclamation préalable, le service indique au contribuable, évidemment, qu’il a la possibilité de saisir la juridiction compétente, mais qu’il peut aussi s’adresser au conciliateur fiscal de la direction pour lui faire part de toutes les difficultés survenues dans le traitement de sa demande. Les compétences du conciliateur sont larges et ne portent pas que sur les questions relatives au calcul de l’impôt. Le conciliateur peut être saisi dans le cadre d’un refus d’accorder au contribuable un délai de paiement par exemple, ou suite à l’échec d’une demande de remise gracieuse, du rejet d'une demande en remise des pénalités, et de façon plus générale, sur toute question ayant trait au fonctionnement de l’administration fiscale, comme par exemple, les demandes concernant des engagements pris en matière de qualité de service qui n'ont pas été respectés par l’administration.

Cependant, certaines situations ne relèvent pas du domaine de compétence du conciliateur. Il s’agit des procédures de vérification de comptabilité ou d'examen de situation fiscale personnelle, des litiges relatifs à la publicité foncière, ainsi que toutes les questions ayant déjà fait l'objet d'une requête au Président de la république, au Premier ministre, aux directeurs généraux de l'administration fiscale ou au Médiateur de la République.

En termes de délai de saisine, il peut être saisi dès que le contribuable a reçu la décision défavorable. Aucun délai n’est imposé au contribuable pour la saisine du conciliateur. Le conciliateur est saisi par courrier, mais il peut aussi être saisi par voie dématérialisée. En plus de l’adresse postale du conciliateur, l’administration met d’ailleurs souvent également l’adresse électronique du conciliateur sur sa décision, et rappelle au contribuable que cette démarche de saisine du conciliateur n’interrompt pas le délai de deux mois dont il dispose pour saisir le juge. En effet, la saisine du conciliateur n’interrompt pas les délais de recours contentieux et le contribuable n’est pas dispensé de payer les sommes qui lui sont réclamées, sauf si évidemment, il a fait une demande de sursis de paiement dans sa réclamation préalable. C’est d’ailleurs pourquoi il arrive que le contribuable saisisse le juge de l’impôt parallèlement au conciliateur. Dans ce cas, il pourra se désister de la procédure devant le tribunal si jamais le conciliateur lui donne gain de cause.

En principe le conciliateur répond dans les trente jours de sa saisine, en informant l’auteur de la saisine de sa décision ou si celle-ci n’est pas encore prise, d’une décision prochaine lorsque les dossiers sont plus complexes. Dans ses décisions, l’administration fiscale prévient souvent au contribuable du fait que le conciliateur fiscal s’efforce de répondre dans un délai de trente jours, sans dire que sa décision doit intervenir forcément dans les trente jours.

Les décisions du conciliateur fiscal départemental

Le conciliateur, comme l’indique son nom, tente de trouver une solution à l’amiable au litige né entre le fisc et le contribuable, dans le but d’éviter la saisine du juge de l’impôt. Le recours au conciliateur s’analyse comme un recours hiérarchique, dans la mesure où le conciliateur peut substituer sa décision à celle de l’administration fiscale et mettre fin au litige. Il a la capacité de réformer la décision qui fait l’objet de la saisine. Sa mission de conciliation consiste ainsi à trouver des solutions, qui tout en respectant la législation, tiennent compte des circonstances particulières des demandeurs. La saisine du conciliateur peut donc s’avérer utile. Contrairement à la saisine du supérieur hiérarchique, qui dans la plupart des cas, n’aboutit pas à grand-chose, celle du conciliateur aboutit,  dans au moins un tiers des cas, à une décision totalement ou partiellement favorable au contribuable.

Les décisions prises par le conciliateur sont aussi susceptibles de recours. En effet, si le conciliateur confirme une décision de rejet prise par l’administration fiscale, la réponse du conciliateur est susceptible de recours devant le tribunal administratif, ce dernier recours pouvant être introduit par le contribuable, même s’il avait déjà fait un recours auprès du tribunal contre la décision de rejet de sa réclamation préalable.

3. La médiation

Le Décret n°2002-612 du 26 avril 2002 instituant un médiateur

Le médiateur est institué par le décret n°2002-612 du 26 avril 2002 dont l’article 1er dispose qu’un médiateur du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie est placé auprès du ministre et reçoit les réclamations individuelles concernant le fonctionnement des services du ministère dans leurs relations avec les usagers. L’article 3 dudit décret dispose que toute réclamation adressée au médiateur doit avoir été précédée d'une première démarche de l'usager auprès du service concerné, ayant fait l'objet d'un rejet total ou partiel. Le médiateur du ministère de l’économie et des finances intervient donc un peu comme les conciliateurs départementaux en accueillant les réclamations des contribuables, après une première démarche, sans succès, devant l’administration fiscale. Il ne peut intervenir en cas de contrôle fiscal en cours. Il peut être saisi, par exemple, après le rejet d’une réclamation préalable. Du coup, il n’est pas exclu que la mission du médiateur s’entremêle avec celle du conciliateur, qui lui aussi, comme on l’a vu, est saisi après une première démarche infructueuse. Le médiateur peut être saisi après une démarche infructueuse auprès du conciliateur. En pratique, le médiateur est saisi pour les dossiers les plus complexes.  La saisine du médiateur peut être effectuée par lettre simple ou recommandée, ou par courriel. La saisine du médiateur n’a pas d’effet sur les délai de recours. D’ailleurs, à réception d’une demande, le médiateur en accuse réception et généralement,  indique au contribuable que sa demande n'interrompt pas les délais de recours devant les tribunaux.

Les décisions du médiateur

Le médiateur peut faire appel aux services du ministère pour l'instruction des réclamations dont il est saisi. Il dispose des moyens nécessaires à l'exercice de ses missions. Cependant, contrairement au conciliateur, agent des impôt qui peut substituer sa décision à celle prise par le service, le médiateur n’est pas un agent de l’administration fiscale et ne prend pas une décision directe concernant un dossier. Après analyse du dossier, il adresse seulement des recommandations au service en proposant une solution équitable. En effet, aux termes de l’article 5 du décret du 26 avril 2002, lorsque la réclamation lui paraît fondée, le médiateur adresse une recommandation au service concerné, et est informé des suites données à cette dernière. Le médiateur n’impose donc pas de solution. Il propose une solution aux parties, et en particulier, au service, comme par exemple, le recours à une transaction. Le service  n’a aucune obligation de suivre les recommandations du médiateur, mais dans la pratique, le service prend en compte les recommandations qui lui sont adressées. A noter d’ailleurs qu’en cas de rejet des recommandations du médiateur par le service, celui-ci peut saisir le Ministre à qui il appartiendra de prendre la décision.  

4. Les remises gracieuses

Les demandes de remises gracieuses

Les demandes de remises gracieuses peuvent concerner non seulement les pénalités, mais aussi le principal de l’impôt. Aux termes du 2° de l’article L 247 du LPF, l'administration peut accorder sur la demande du contribuable des remises totales ou partielles d'amendes fiscales ou de majorations d'impôts lorsque ces pénalités et, le cas échéant, les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives. Cette disposition prévoit ainsi la remise totale ou partielle des pénalités. Les demandes de remises de pénalités interviennent lorsque les impositions auxquelles elles s'ajoutent sont définitives, c’est-à-dire en pratique, lorsque les voies de recours sont épuisées. Les demandes de remises gracieuses peuvent se faire par courrier ou oralement auprès du service. Aucun délai n’est imposé pour ces demandes. Elles peuvent être faites dès la mise en recouvrement. En pratique, lorsque la demande est faite à la suite d’une vérification de comptabilité ou un examen de situation fiscale personnelle, elle est adressé au service vérificateur.

En ce qui concerne les demandes de remise portant sur l’impôt lui-même, c’est le 1° de l’article L 247 du LPF qui permet à l'administration d’accorder, sur la demande du contribuable, des remises totales ou partielles d'impôts directs régulièrement établis lorsque le contribuable est dans l'impossibilité de payer par suite de gêne ou d'indigence. Cette possibilité d’accorder des remises gracieuses, en ce qui concerne l’impôt lui-même, est assez restreinte, car en principe, le comptable public ne peut abandonner le recouvrement d’un impôt légalement dû. Il faut rappeler à ce propos les dispositions de l’article 432-10 du code pénal qui punit de cinq ans d'emprisonnement et de 75 000 euros d'amende, le fait, par une personne dépositaire de l'autorité publique, d'accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires. Pour accorder une telle remise gracieuse de l’impôt-lui-même, il faut, comme le prévoit la loi, une situation de gêne ou d'indigence. C’est le cas par exemple d’un ex-conjoint, qui se retrouve, après le divorce, dans une situation financière désastreuse, ou encore une entreprise en difficulté. L’état de gêne et d'indigence est apprécié, à la date de la demande et non à celle de l’établissement de l’impôt, en confrontant, en principe, le montant de la dette fiscale du contribuable au montant de ses ressources. Les ressources du contribuable s’entendent de ses revenus mensuels ainsi que son patrimoine susceptible d'être cédé ; ressources desquelles il faut retrancher ses charges, notamment le loyers, les pensions alimentaires et autres  dettes. Une demande de remise gracieuse n’ouvre pas droit au sursis de paiement de l’impôt.

Le traitement des demandes de remises gracieuses

Le traitement des demandes de remises gracieuses est fait au cas par cas, en tenant compte de la situation particulière de chaque demande et de la personnalité du contribuable. Si l’administration refuse d’accorder la remise demandée par le contribuable, ce dernier a la possibilité de saisir le juge administratif d’un recours pour excès de pouvoir, car le rejet d'une demande de remise gracieuse ne peut être déféré au juge administratif que par la voie d'un recours pour excès de pouvoir (CE 7e et 8e s.-s. 22-6-1983 n° 30300 et 30301). C’est ainsi par exemple qu’un contribuable qui a présenté à l’administration une demande de remise gracieuse n'est pas recevable à former, contre la décision de rejet, une demande en décharge ou réduction devant le juge de l'impôt (CE 8e et 9e s.-s. 16-7-1976 n° 240). Il faut d’ailleurs noter que seul le juge administratif est compétent pour connaître d’un tel recours, même dans les cas où le refus de remise gracieuse porte sur un impôt dont le contentieux relève du juge judiciaire, sauf les cas de refus d’accorder une remise dans le cadre d’un plan de règlement en ce qui concerne la remise de dette aux entreprises en difficulté, dès lors que les refus ne sont pas détachables de la procédure collective (Tribunal des Conflits, 08/07/2013, C3912, Société Absis).

Dans cette affaire, à la suite d'une vérification de sa comptabilité, la société Absis a fait l'objet de rappels de TVA et de pénalités. Ayant été placée, par la suite, en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Tours, l’administration fiscale a déclaré la créance fiscale au passif de la société. Le mandataire judiciaire a fait une proposition d'apurement du passif prévoyant, s'agissant de la dette fiscale, une remise partielle, ce que le comptable public a refusé. Après homologation du  plan de redressement par tribunal de commerce, la société a formé un recours gracieux auprès du chef du pôle de recouvrement des impôts de Tours qui a confirmé la précédente décision de refus. La société a alors saisi le tribunal administratif d'Orléans d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation de la décision administrative. Le président du tribunal administratif d'Orléans comme la cour administrative d'appel de Nantes ont rejeté la demande d'annulation comme ayant été portée devant une juridiction incompétente. Autrement dit, le recours aurait dû être porté devant le juge judiciaire. Saisi d’un pourvoi en cassation, le Conseil d’Etat a renvoyé la question au Tribunal des conflits.

Pour le juge des conflits de juridictions, le tribunal de la procédure collective est seul compétent pour connaître des contestations nées du redressement judiciaire ou soumises à son influence juridique, même si les créances dont il s'agit sont de nature fiscale et concernent un impôt dont le contentieux relève de la compétence de la juridiction administrative. Le TC a donc jugé que la contestation soulevée par la société Absis, objet d'une procédure de redressement judiciaire, qui a trait à l'élaboration des propositions pour le règlement de ses dettes en vue de l'établissement d'un projet de plan de redressement de l'entreprise, étant née de la procédure collective ouverte à son égard, relève de la compétence de la juridiction de l'ordre judiciaire. Le TC a toutefois précisé que cette compétence du juge judiciaire s’exerce sous réserve d'une éventuelle question préjudicielle relevant du juge administratif et dont dépendrait la solution du litige.

Le contrôle des refus de demandes de remises gracieuses

Il revient donc, en principe, au juge administratif d’apprécier la décision de refus de demande gracieuse. Dans tous les cas, le juge ne peut, comme en plein contentieux, se substituer à l’administration pour accorder lui-même la remise demandée au contribuable, ni s’interroger sur l’opportunité ou pas d’accorder la remise demandée. Seule l'administration a compétence pour statuer sur une demande gracieuse. Le juge administratif ne peut pas statuer directement sur une telle demande (CE 8e et 9e s.-s. 24-5-1982 n° 26929). Il ne peut qu’annuler la décision de refus si elle ne lui semble pas fondée, c’est dire, au final, un refus qui serait illégal. Cette illégalité peut résulter d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une erreur sur la matérialité des faits, d’un détournement de pouvoir, ou encore d’une incompétence de l’auteur de l’acte. La décision refusant une remise gracieuse ne peut être annulée que si elle est entachée d'une erreur de droit, d'une erreur de fait, d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'un détournement de pouvoir (CE 8e et 3e s.-s. 24-7-2009 n° 304674, Sté Leuchtturm Albenverlag GmbH, RJF 11/09 n° 989, concl. N. Escaut BDCF 11/09 n° 126). Le juge a annulé par exemple une décision de refus, erronée en droit, car prise au motif que le contribuable a consacré ses maigres ressources au paiement de dettes non fiscales, telles que ses honoraires d’avocats (Conseil d'État, 8ème - 3ème chambres réunies, 07/03/2019, 419907). Dans cette affaire, les contribuables ont fait une demande de remise gracieuse des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu mises à leur charge. La demande est refusée par le directeur départemental des finances publiques du Val d'Oise. Les contribuables ont demandé au tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler la décision, en soutenant qu’ils sont surendettés, bénéficiaires du revenu de solidarité active et de la couverture maladie universelle, dépourvus de patrimoine et destinataires d'un avis de saisie de leurs meubles, et qu’ils se trouvaient, à la date à laquelle l'administration avait rejeté leur demande de remise gracieuse, en situation de gêne ou d'indigence au sens des dispositions de l'article L. 247 du LPF.

Le tribunal administratif a rejeté leur demande au motif qu’ils s'étaient eux-mêmes placés dans une situation d'insolvabilité et que la situation de gêne ou d'indigence dans laquelle ils se trouvaient était imputable à l'organisation volontaire par eux-mêmes de leur insolvabilité, d’autant qu’ils avaient perçus des revenus annuels de l'ordre de 35 000 € les deux années précédentes et avaient choisi d'affecter ces ressources au remboursement de crédits à la consommation et au règlement d'honoraires d'avocat plutôt qu'au comblement de leur dette fiscale. En cassation, après avoir rappelé que lorsque l'impossibilité de payer dans laquelle se trouve le contribuable par suite de gêne ou d'indigence, qui s'apprécie à la date à laquelle elle se prononce, est imputable à l'organisation volontaire par celui-ci de son insolvabilité, l'administration peut rejeter une demande de remise gracieuse sans avoir à rechercher s'il existe une disproportion entre les revenus du contribuable et le montant de sa dette fiscale, le Conseil d’Etat a annulé le jugement du tribunal administratif comme étant entaché d'erreur de droit.

En effet, la dette fiscale au titre de l’IR s'élevait, à l'exclusion des majorations et compte tenu des règlements partiels effectués, à environ 15 000 €. Or, les contribuables, dépourvus de patrimoine, percevaient un revenu de solidarité active de 621 € par mois ainsi qu'une allocation logement de 367 € mensuels et supportaient un loyer de 952 € par mois, le revenu demeurant disponible après paiement de leurs charges s'élevant par suite à 36 € par mois. Pour le Conseil d’Etat, il en résulte qu'ils se trouvaient dans l'impossibilité de payer du fait d'une situation de gêne ou d'indigence.

Il faut d’ailleurs remarquer que dans cet arrêt, le Conseil d’Etat, note, et contrairement à ce que soutient l’administration fiscale, que les dispositions du 1° de l'article L. 247 du LPF ne subordonnent pas la faculté qu'elles ouvrent à l'administration d'accorder au contribuable une remise gracieuse, pour ce qui concerne les dettes en principal relatives à des impôts directs, à la condition que les impositions en cause soient devenues définitives. En ce qui concerne les droits en principal donc, pour  le Conseil d'État, la remise peut intervenir dès lors que l'imposition est régulièrement établie. Cette position du Conseil d’Etat infirme la doctrine administrative qui écarte les remises gracieuses d'impôts directs contestés devant la juridiction contentieuse tant qu'aucune solution définitive n'a été prise ou, à défaut de contestation, tant que le délai de réclamation n'est pas expiré (BOI-CTX-GCX-10-20 n° 130 à 150, 12-9-2012 et BOI-CTX-GCX-10 n° 10). La décision de refus d’accorder la remise gracieuse est directement annulée également par le Conseil d’Etat, car l'administration fiscale a commis une erreur manifeste d'appréciation.

En revanche, l'administration n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en rejetant une demande de remise gracieuse présentée par un contribuable qui a connu une période de chômage et de formation professionnelle dès lors que durant cette même période, celui-ci a conservé des revenus et remboursé un emprunt souscrit pour l'acquisition d'une maison d'habitation (CAA Nancy 1-6-1994 n° 93681).  De même, l'administration ne commet pas d'erreur manifeste d'appréciation ni de détournement de pouvoir en refusant de prononcer la remise gracieuse demandée de taxe foncière sur les propriétés bâties, eu égard non seulement aux ressources de l'intéressé mais aussi à la valeur de son patrimoine, y compris sa résidence principale, et compte tenu du faible montant de la somme réclamée (CE 8e et 3e s.-s. 9-11-2005 n° 269669).

Il est vrai que le juge exerce, lors ces recours pour excès de pouvoir contre des décisions de refus de remise gracieuse, un contrôle de légalité sur une mesure d’équité. Dès lors que les décisions prises sur des demandes gracieuses relèvent du pouvoir discrétionnaire de l'administration, le juge se livre à un contrôle restreint. Mais, même si le contrôle du juge est un contrôle restreint, «il y a bien sûr quelque chose d’étrange dans ce contrôle de légalité d’une décision prise… en équité, c’est-à-dire en fonction de considérations théoriquement extra-juridiques. Mais le juge administratif s’efforce seulement de vérifier que la liberté d’appréciation laissée à l’administration ne se traduit pas par un comportement arbitraire » (Martin Collet, Pierre Collin ; Procédures fiscales ; Contrôle, contentieux et recouvrement de l'impôt ; Presses Universitaires de France, Collection  Thémis, 5e édition, Parution 10/01/2024, page 232).

 

5. Les dégrèvements et restitutions d’office

Selon les dispositions de l’article R*211-1 du LPF, la direction générale des finances publiques peut prononcer d'office le dégrèvement ou la restitution d'impositions qui n'étaient pas dues, jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, ou, en cas d'instance devant les tribunaux, celle au cours de laquelle la décision intervenue a été notifiée. Ces dispositions permettent ainsi à l’administration de prononcer d’office le dégrèvement d’impôt qui n’était pas dû, ou sa restitution s’il a déjà été payé. Il s’agit de réparer une erreur d'imposition.

Dans la plus grande majorité des cas, les dégrèvements d’impôt sont prononcés sans que le contribuable ait eu à faire une telle demande. Mais les dégrèvements ou restitutions peuvent aussi être faits à la demande du contribuable. Il arrive, en cours d’instance devant les juridictions, que l’administration prononce un dégrèvement, mais comme le prévoient les textes, cela peut intervenir jusqu'au 31 décembre de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle le délai de réclamation a pris fin, en l’absence d’instance devant les tribunaux. Un contribuable peut ainsi faire une telle demande lorsqu’il n’est plus recevable à déposer une réclamation contentieuse de fait de l’écoulement des délais de recours.

Il existe aussi certains dégrèvements spécifiques. C’est le cas par exemple du dégrèvement d’office que l’administration a l’obligation d’accorder au redevables de la taxe foncière sur le bâti âgés de plus de 65 ans et disposant de très faibles revenus. Conformément aux dispositions de l’article 1391 B du CGI, ce dégrèvement d'office est de 100 €. Il faut noter que, sauf dans certains cas spécifiques, comme celui-ci où la loi impose un dégrèvement d’office, la procédure de dégrèvement d'office ne présente pas un caractère obligatoire pour l’administration. L’administration n'est donc pas tenue, en principe, de prendre l'initiative du dégrèvement que le contribuable aurait pu obtenir en présentant une réclamation régulière (BOI-CTX-DRO-10 n° 30 et 40, 12-9-2012), ce qui est assez étonnant d’ailleurs, car il s’agit de réparer une erreur d'imposition, même si les impositions sont établies d'après des bases conformes aux déclarations souscrites par les contribuables, et non sur une erreur de l’administration fiscale.

6. Le Défenseur des droits et le ministre du Budget

En dehors du recours au conciliateur, au médiateur, et autres recours hiérarchiques, deux autres voies de recours sont aussi offertes au contribuable, le Défenseur des droits et le ministre du Budget. En pratique ces voies de recours sont peu utilisées.

Le Défenseur des droits est une autorité administrative indépendante créée en 2011. Le 1° de l’article 4 de la loi organique 2011-333 du 29-3-2011, relative au Défenseur des droits, dispose que  Le Défenseur des droits est chargé de défendre les droits et libertés dans le cadre des relations avec les administrations de l'Etat, les collectivités territoriales, les établissements publics et les organismes investis d'une mission de service public. Il peut être saisi directement par toute personne physique ou morale qui s'estime lésée dans ses droits et libertés par le fonctionnement d'un service public ou d'une administration. Le Défenseur des droits peut donc être saisi à propos d’un litige fiscal. Pour saisir le Défenseur des droits, il faut, bien sûr, avoir accompli une démarches préalables auprès de l’administration fiscale. La saisine du Défenseur des droits n'interrompt ni ne suspend les délais de prescription des recours administratifs ou contentieux. Lorsqu’il est saisi, le Défenseur des droits adresse des recommandations à l’administration fiscale.

En ce qui concerne le ministre du Budget, sa saisine est rare, mais toujours est-il que le contribuable peut le saisir  lorsqu’il estime que son dossier est mal traité par le service. Les décisions de rejet de demande de remise gracieuse par exemple peuvent être soumises au ministre du Budget. Ce recours qui s’analyse comme un recours hiérarchique, est en pratique, utilisé par des élus, des grandes entreprises  ou des personnalités publiques pour tenter de trouver une issue appropriée au litige qui les oppose à l’administration fiscale.

Arnaud Soton

Avocat fiscaliste 

Professeur de droit fiscal

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